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Transformer, guérir, s'éveiller : Apporter de l'attention au monde

Publié le par Rudolf

Ha Vinh Tho-21 mars 2024

Ha Vinh Tho-21 mars 2024

Est-ce que nous pouvons, en tant qu'agriculteurs et en tant qu'êtres humains, trouver un moyen d'atténuer la souffrance dans le monde ?

Ha Vinh Tho a parlé de trois missions fondamentales de l'agriculture du futur. Voici des extraits de sa conférence.

Ces derniers jours, les agriculteurs et agricultrices ont manifesté dans toute l'Europe. La souffrance que tant d'agriculteurs - et pas seulement en Europe - doivent endurer n'est qu'un symptôme. Est-ce que nous avons cherché les causes ? En général, nous commençons avec tant de compassion et de volonté de guérir. Et puis le système fait tout capoter. C'est quoi ce système ? Un de ses aspects puissants est que ces aspirations profondément humaines à transformer, guérir, nourrir, enseigner, sont réduites à des activités purement économiques - le seul but étant de faire plus de profit, quel qu'en soit le prix, quel qu'en soit le coût pour les gens et l'environnement. Je pense que la cause dans l'agriculture - et c'est tout à fait similaire dans l'éducation ou la santé et dans d'autres domaines - est que la mission réelle a été perdue. Nous devons rétablir ce qu'Ueli Hurter a appelé «la dignité de l'agriculture». Celle-ci est liée à la mission plus profonde de l'agriculture, qui est triple.

Transformer la terre

Tout d'abord, l'agriculture a bien sûr pour mission de nourrir le monde. L'alimentation se fait à différents niveaux - l'alimentation physique en est un. Dans l'agriculture, nous mobilisons la volonté de transformer la terre. Selon la sœur d'Égypte, l'amour que nous donnons à la terre nous revient sous forme de nourriture saine. C'est très puissant, très beau. La sœur d'Afrique du Sud a parlé de la sagesse indigène qui connaît ce lien profond entre l'homme et la terre et tous les êtres vivants. Nous n'avons donc pas besoin de la réinventer, mais nous devons l'intégrer de manière à ce qu'elle corresponde aux besoins de notre époque. L'agriculture n'est pas simplement la nature telle qu'elle était. La tâche de l'homme est de transformer la terre, d'en faire quelque chose de plus noble, de plus spirituel, de plus transparent, afin que l'esprit puisse imprégner la terre.

Dans la méditation de la pierre de fondation, Steiner donne trois exercices. Pour le premier, il dit : «Exerce-toi à te souvenir de l'esprit, dans les profondeurs de l'âme». Qu'est-ce que la profondeur de l'âme ? C'est la volonté, n'est-ce pas ? Lorsque nous travaillons avec nos membres, en labourant la terre, nous faisons quelque chose de très matériel ; nous travaillons avec la dimension physique. Est-ce que nous pouvons nous souvenir de l'esprit lorsque nous travaillons dans les profondeurs de la terre, de sorte que nos actions soient effectivement un processus de transformation ? Quand un enfant naît, il reçoit un corps physique qu'il a hérité de ses ancêtres. Comment l'enfant transforme-t-il ce corps pour en faire un réceptacle pour son propre esprit, pour son individualité unique ? Tout le développement de l'enfant consiste à prendre progressivement possession de ce corps et à le transformer. Ensemble, en tant qu'humanité, nous faisons cela pour la Terre. C'est une grande partie de ce dont il s'agit dans l'agriculture : transformer le corps de la terre pour qu'il puisse devenir un réceptacle pour l'esprit. C'est la première tâche de l'agriculture : la transformation.

Guérir en communauté

Dans toutes les cultures du monde, nous avons la notion d'un personnage semblable à un dieu qui a offert l'agriculture à l'humanité. Nous ne l'avons pas inventée ; ses fondements nous ont été donnés par des êtres divins ou demi-divins. Il est intéressant de noter que dans presque toutes les traditions, le dieu ou l'être qui apporte l'agriculture est également associé à la guérison. Parce qu'il s'agit de la connaissance des plantes et de la manière dont elles peuvent agir et guérir. C'est aussi l'agriculture qui donne un sens au temps. Pour les agriculteurs et les agricultrices, le temps n'est pas seulement une horloge, mais le cycle de la nature. Le temps devient un rythme, et le rythme est guérisseur. Le temps sans rythme est destructeur.

Pour le deuxième exercice proposé par Steiner - Exercer l'esprit-contemplation, il existe de nombreuses traductions - j'aime la mienne : exercer l'attention de l'esprit dans la sérénité de l'âme. Il s'agit de l'exercice de l'équilibre. Il s'agit de transformer nos émotions naturelles en quelque chose d'équilibré et d'en harmonie avec le rythme du cosmos. Cela nous permet d'être attentifs au présent, à l'esprit dans l'âme. Et quel est donc la conséquence de cela ? C'est la construction d'une communauté. Les fermes sont des communautés. Notre amie du Canada nous a raconté comment sa ferme produit des légumes ; oui, mais plus que cela, elle produit une communauté. Nous avons vécu dans la dualité. Ceux qui étaient différents étaient considérés comme des ennemis ou des êtres inférieurs. Mais le riz et le blé, par exemple, ne sont pas des concurrents, mais les deux grandes cultures du monde : la culture du riz et la culture du blé. Liés à la lune, liés au soleil. Et nous avons besoin des deux, du soleil et de la lune. Le temps est venu pour nous de prendre conscience que nous sommes une famille de huit milliards, de prendre conscience de notre interdépendance.

Cette force de guérison du cœur vit dans le rythme, dans l'équilibre de l'âme qui nous rend capables de percevoir la réalité de l'esprit. Elle vit dans la force qui crée la communauté, lorsque ces forces apparemment polaires peuvent œuvrer ensemble. C'est donc l'âme, le cœur, qui est en jeu dans la deuxième mission fondamentale de l'agriculture. La première est transformatrice, la seconde est curative, et la guérison est créatrice de communauté. L'agriculture est un art de la guérison, un art du cœur.

Ha Vinh Tho

Ha Vinh Tho

S'éveiller à l'esprit

Enfin, comment pouvons-nous nous relier directement à l'esprit ? Rudolf Steiner dit dans la méditation de la pierre de fondation : «Exerce-toi à percevoir l'esprit, à être dans le calme de la pensée», à percevoir l'esprit dans le silence de la pensée. Lorsque le bruit intérieur s'apaise et qu'un silence intérieur s'installe, nous pouvons percevoir directement l'esprit. Voilà ce qu'est l'éveil. Le troisième mouvement est donc comme une prière qui s'élève de la terre vers le ciel. Le premier est un mouvement vertical du ciel, de l'esprit qui illumine et transforme la matière. Le deuxième est un mouvement horizontal où, dans l'équilibre de nos émotions transformées, nous pouvons percevoir l'esprit, contempler ou être attentifs. Et le troisième mouvement est l'éveil à notre véritable être, à notre être authentique. En considérant que la mission de l'agriculture fait partie de la mission de l'humanité, qui a ces trois fonctions fondamentales : transformer la matière, guérir au niveau de l'âme et éveiller au niveau de l'esprit, nous reconnaissons vraiment la dignité de l'agriculture comme dignité de la condition humaine.

La première source de souffrance est tout d'abord le fait que, dans les temps modernes ou dans notre culture matérialiste, nous avons perdu le lien avec notre essence spirituelle, avec notre véritable moi. Nous ne savons pas qui nous sommes, et si nous ne pouvons pas nous relier à notre véritable nature, nous ne pouvons pas percevoir la véritable nature des autres. La deuxième source de souffrance est que nous sommes isolés et déconnectés. Nous nous sentons seuls. Et la troisième source de souffrance est que nous sommes déconnectés de notre planète, qui est notre mère. Aucune vie n'est possible pour nous sans notre planète Terre. Si dans l'agriculture, nous pouvons vraiment faire l'expérience profonde que les processus intérieurs et extérieurs ne font qu'un, si nous pouvons nous connecter en tant qu'individus à notre véritable nature, alors nous pouvons vraiment nous relier aux autres et vraiment transformer la Terre.

Je veux reconnaître que nous ne sommes pas seuls. Nous sommes portés par les générations de nos ancêtres qui ont fait de leur mieux, et nous devons continuer à le faire. Nous sommes responsables des générations de nos enfants et petits-enfants. Je suis un arrière-grand-père, très fier de l'être, et je me soucie vraiment de l'avenir. Je veux que mes enfants, mes petits-enfants, mon arrière-petite-fille et leurs enfants aient une bonne terre pour vivre. Je crois que l'agriculture joue un rôle très important à cet égard. En apportant la diversité de l'héritage spirituel déjà présent, nous pouvons développer un mouvement biodynamique qui soit véritablement universellement humain - afin que nous puissions être portés à la fois par les ancêtres génétiques pour le bien des générations futures, mais aussi par les nombreux êtres invisibles et les traditions spirituelles qui nous attendent tous, afin que nous puissions apporter, même modestement, la juste contribution à l'évolution de l'humanité vers la transformation, la guérison et l'éveil.

 

Ha Vinh Tho

Ha Vinh Tho est le directeur de programme du Centre pour le Bonheur National Brut au Bhoutan. Il a été directeur du département Formation, apprentissage et développement au Comité international de la Croix-Rouge et est le fondateur et président de la Fondation Eurasia. Il est enseignant bouddhiste, professeur invité d'éducation des adultes et d'action humanitaire dans plusieurs universités et auteur de plusieurs livres et articles.

Photo de couverture Ha Vinh Tho pendant sa conférence au Congrès de l'agriculture 2024, photo : Xue Li

https://dasgoetheanum.com/landwirtschaftliche-tagung-2024/

Traduit de l'allemand par Rudolf Tille

L'intégralité de la conférence est disponible gratuitement sur Goetheanum.tv

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